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dimanche 15 juillet 2007

Nouvelle1: DISPARITION


Et Nadir se réveilla.
Il faisait déjà jour. Mais, c’était un temps gris qui annonçait sans doute un fait imprévu. Que de fois cela passe inaperçu ! Il s’approcha de la fenêtre pour scruter un tel temps en plein été. Le paysage semblait déformé. En se tournant, il prenait plaisir à contempler le nombre de livres éparpillés dans sa petite chambre, parmi lesquels figuraient des titres comme Fictions, Mille et une nuits, Le Prophète, 1984, Le Désert des Tartares, Kalila wa Dimna….. Infatué de lecture, Nadir aimait à regarder les livres autour de lui et à sentir leurs odeurs qui représentaient leur mystère et leur singularité. A présent, il rêvait en s’en enivrant, tandis que dehors il pleuvait des cordes. Il mit son pantalon, une chemise et une veste dans les poches de laquelle il glissa un recueil de poésie, un stylo et un bloc-notes qu’il avait toujours sur lui – métier oblige- et sortit comme emporté par le vent.

Le voilà au milieu d’un café, à côté de ses amis qui n’avaient rien d’étrange : mêmes boutades, mêmes discussions autour des dernières parutions ou à propos d’un article époustouflant. Il sirota son café noir, prit congé d’eux et se dirigea vers une librairie qui se trouvait en face, en plein centre de ville. De loin, il remarqua que la vitrine avait changé de contenu : des boîtes de plastique ou de carton eurent remplacé les livres devant qui il passait assez de temps en s’en délectant de ses yeux.
Après avoir trop hésité, il eut le courage d’interroger le concierge de la maison d’à côté :
- S’il vous plaît.
- Oui, monsieur, à votre service, répondit cet homme un peu âgé, qui sirotait un verre de thé refroidi.
- Les livres ! Il y avait des livres dans la vitrine….
- Je ne sais que dalle, monsieur. Je vous conseille d’aller voir avec le patron ; il vient juste d’entrer.
- Merci, lui dit Nadir d’un ton un peu irrité.
- Il n’y a pas de quoi…
Il se glissa furtivement à l’intérieur de la librairie pour s’en informer davantage. Il fut comme consterné devant l’état inhabituel du lieu. Tout a complètement changé : aucune trace de livres. Des CD et des DVD eurent envahi le lieu et l’eurent dénaturé. Même l’odeur familière qu’il sentait à l’entrée de cette librairie eut disparu. Il s’avança un peu pour s’approcher d’un groupe d’individus qui semblaient discourir sur la même situation. Etant à quelques mètres d’eux, il fut stupéfait de la manière avec laquelle ils communiquaient ; tous avaient l’air étrange.
Il se tourna vers la caissière devant le guichet de qui il y avait une file. Heureusement, c’était celle avec qui il avait un grand plaisir d’échanger des idées sur les livres, la qualité de la reliure et du papier. Mais également des prix.
- Madame !
Elle était tellement occupée qu’elle ne répondit pas. Et Nadir éleva un peu sa voix :
- C’est pour quelques minutes ……
Aucune réponse. En scrutant le visage de son amie, il comprit qu’elle avait quelque chose de non-familier. Le jaune des cheveux, le rouge de ses lèvres et la pâleur de son teint lui donnaient un aspect artificiel. A cette vue, Nadir se mit à crier de toutes ses forces. En vain. Car aucun n’eut réagi. Criait-il vraiment ? L’entendaient-ils ? Qui le sait ?
- Je suis un bon client, un très bon client …. Vous le savez. Appelez-moi votre patron. Et puis, je suis ici pour le livre que j’ai commandé avant-hier.


Il entra dans une sorte d’hystérie : ils n’avaient point le droit de le traiter ainsi et de le sous-estimer, d’autant plus qu’il était un habitué de ce lieu. Cela demandait des explications, des excuses de la part du patron. Celui-ci était un intellectuel qu’il eut rencontré en Andalousie, lors d’un séminaire, autour de la pensée d’Ibn Arabi. Depuis, il ne cessait de lui faire part de tous les articles qu’il projetait d’écrire. Il lui envoyait même les manuscrits des livres qu’il publia, et qui connurent un très grand succès. Il arriva même qu’un jour ils s’échangèrent des propos fort blessants, dans cette place où il se trouvait.
Soudain, il se saisit et quitta le lieu avec une telle dextérité qu’il se trouva en pleine rue, sous un ciel obscurci et du fond duquel lui parvenaient comme des gémissements ou des lamentations. Il s’arrêta un laps de temps devant le kiosque où il achetait les journaux chaque jour, continua sa marche en hâte en direction d’un jardin public où il s’assit sur un banc encore mouillé. Il sortit le stylo et le bloc-notes et inscrit le premier terme en lettres grasses PETITION.

Monsieur le ….

Il allait écrire à tous les responsables pour les mettre en garde contre les périls d’une telle dérive que connaît le monde des lettres…. Et l’humanité pouvait-elle se passer de l’encre et du papier ? Loin de là.
De temps à autre, quelques rares individus passaient nonchalamment. En les regardant marcher, il avait l’impression que leurs mouvements et leurs gestes à peine imperceptibles avaient quelque chose de mécanique.
Il pensa regagner ses pénates aussi vite que possible, comme pour fuir un danger à venir. En marchant, il se sentait attiré par une force invisible qui semblait l’entraîner vers un précipice. Péniblement, il atteignit sa chambre du quatrième étage, suant.

A peine fut-il arrivé qu’il fut sidéré par l’état où se trouvait sa chambre : tous les livres ont disparu ! Qui a pu faire ça ? Peut-être, des agents secrets qui ont profité de son absence pour fouiller dans ses affaires à la recherche d’un nouveau manuscrit ? Mais cette fois-ci, c’est complètement différent ! Ils ont tout emporté !

Et, Nadir se mit à crier de toutes ses forces.
Ses cris étaient si stridents qu’il se réveilla en sursautant au milieu de cette nuit trop chaude. Il suait…..C’était une sueur qui sentait le ranci !




Bouchta FARQZAID
Khouribga, le 22 /02/2OO7

Poésie: Etincelle

Etincelle
A Naima

Je pèse ma soif, ma grandeur et mon horreur
Noirâtre, qui m’oignent sereinement de rage,
Qui me châtient et m’échoient, de pudeur,
Aux confins des ciels naissant de mirage,

Et de rivages reparus poind une aube de cire,
D’une âme au socle, à force de souffrir, noircie,
Qui mettent à l’épreuve mes nerfs
Qui me purifient fort en catimini.

L’azur me sourit, me nargue d’un sacré chant,
Profond, doux ,mélancolique et hautement impalpable,
Et meurt au fond d’un roc à jamais immobile ;

Toi, seule, adorable Beauté, sereine chanson,
Toi, l’unique songe de mon insupportable vie,
Saurait me bercer de tes souffles et tes regards infinis !

Abou joumana

Poésie: Bouc-émissaire

Bouc-émissaire

A tous ceux qui sont victimes de racisme

Toujours, c’est de nous que l’on a marre,
Toujours, c’est nous que l’on taxe de gale.

Nous, c’est toujours l’Orage,
Nous, c’est toujours la Rage,
Nous, c’est toujours l’Outrage !

Toujours, c’est nous que l’on accuse d’éclipse solaire,
Toujours , c’est nous que l’on pourchasse aux confins polaires.

Nous, c’est toujours l’Enfer,
Nous, c’est toujours la Galère,
Nous, c’est toujours l’Autre !

Toujours, c’est nous sur qui l’on grave les pires messages ,
Toujours, c’est nous contre qui l’on adoucit les bêtes sauvages,

Nous, c’est toujours l’Hérésie,
Nous, c’est toujours l’Etre à scie,
Nous, c’est toujours l’آme noircie !

Toujours, c’est les brumes dans les ciels !
Toujours, c’est les lunes de fiels !

Nous, nous ne sommes pas simplement les MثMES !?


Abou Joumana

Poésie: Fabula

Fabula

(à Tounfit)

Au bout de l’infini de soi
Je sème mon âme naïve
Et l’Au-delà me crie : hé !
Il m’en souvient des Hommes
Qui ont péri dans l ‘ombre et le froid
Des sols humides !
D’aucuns vilipendent encor :
« Le goût du thé a bien changé ! »
D’autres : « Celui de la Patrie est autre chose »

Et, je me tais dans l’attente de mon sang !


Abou Joumana

Poésie: Fouilleuses de cendre

Fouilleuses de Cendre

Elles s’en vont, dès l’aube,
Sveltes, souriantes et rêveuses !

Elles reviennent, au crépuscule,
Lasses, courbées et injuriantes !

La journée était grise et maussade.
Demain, un autre rêve ,une autre souffrance !


Abou Joumana

Poésie: Paroles écumeuses

Paroles écumeuses

A ma fille


Au sommet de la Souffrance
Au sein de l’Innommable
Je me déshabille, cru
Gravant mes angoisses aiguës
Au creux de l’ Indicible
Et le Temps m’échoit aux confins
Du cri
Lamentable
Et me nargue le souffle ocre
L’ailleurs n’est que mirage
De sable et de lueur ombragée
Il me berce longuement
Doucement
Et me met aux pieds des larmes
A peine draguées
Puis asséchées
Par les mains d’un blizzard
Ogre des dunes
Criant
De tous mes nerfs lézardés
Contre vents et tempêtes
Dans l’espoir de …
POUVOIR…
SURVIVRE…

Abou Joumana